Je viens de manger une volée.

Une crisse de volée j’te dis ! Des jabs, des uppercuts. J’en ai mangé toute une…
Ce n’est pas la première fois en plus. Mais cette fois-ci, je me suis convaincu de dénoncer cette violence faite aux personnes physiquement faible et sans défense comme moi.
Il n’a rien d’un agresseur atypique. Il est très poli et respectueux de ses paroles. Il vous tend la main, nous demande gentiment de nous immobiliser pour mieux nous attacher fermement au sol.
Après quelques instants seulement, on réalise dans quel train infernal on vient de s’embarquer. Que nous allons passer un très mauvais quart d’heure. Un moment où la terre tremble. Où les murs s’agitent. Où le métal et les ceintures tout autour de nous se déchaînent de tous bords, tous côtés.
On se sent seul, abandonné face à l’agresseur. À la merci du conducteur de sa furieuse locomotive qui, avec sa pelle, nourrit le moteur de charbon noir avec toute sa domination et de sa toute-puissance.
On vit des instants cauchemardesques en se demandant si on va survivre à ce terrible assaut. Quelles séquelles visibles ou pas resteront en permanence sur la peau de notre cœur qui débat à vive allure. 
Une fois le train de la violence immobilisée, le calme et le respect éphémère resurgit. La vie redevient normale pour le violent. Puis les discussions banales du quotidien reviennent à la surface, noyant tout de la détresse. Comme si de rien n’était, l’agresseur nous détache de notre emprise sur Terre, sur notre réalité.
Bon an mal an, d’autres victimes restent sur la liste des invités de la soirée.
Ce soir, pour une troisième fois cette année, j’ai péniblement roulé en transport adapté.

La société dans laquelle nous vivons a trouvé une façon très efficace de maintenir la population handicapée dans l’Omertà, dans la terreur du silence. En apparence, les autorités semblent faire des pieds et des mains pour protéger les plus faibles, les sans défense, mais en fait, on les maltraite quotidiennement et impunément jusque sur les rues et sur les routes qui unissent notre civilisation québécoise. 
De cette façon, on englobe toutes les facettes de la vie d’une personne dans le besoin, de violence. En se levant le matin, il faut aller vite. En allant manger à la cafétéria, il faut aller vite. En allant à son rendez-vous en autobus, il faut aller vite. Lorsque c’est l’heure de se coucher, il faut aller vite. Les seuls qui semblent pouvoir prendre le temps, c’est les employés de l’État en dehors de leurs quarts de travail.
Tout est devenu violence. Le laisser-aller de nos infrastructures routières est violence. Les véhicules ne sont pas conçus pour faire du tout-terrain ni du terrorisme. 
La clé de l’évolution humaine passe par le transport. La visite chez le médecin. Le rendez-vous chez le dentiste. La sortie au cinéma. Rien n’est possible sans le transport des humains. Quel manque de respect avons-nous développé après toutes ces années à se battre pour le mieux-être de chacun.
Tout à l’heure dans l’autobus, j’ai amèrement regretté ne pas avoir installé ma caméra pour tourner une scène digne de Full Metal Jacket. Au retour du cinéma, je suis convaincu d’avoir atteint 7,5 sur l’échelle de Richter. Tellement qu’à mon arrivée chez moi, j’ai demandé au chauffeur qu’il replace mes lunettes qui ne servaient plus qu’un seul oeil suite au séisme.
Il m’a avoué (sans s’excuser) qu’il avait roulé trop rapidement.
Je suis conscient que l’état de la chaussée est exécrable, mais dans ces conditions, adapter sa conduite est une simple mais efficace marque de respect.
J’ai à peine repris mes émotions que demain, j’ai à nouveau, rendez-vous avec un agresseur potentiel. Heureusement, ils ne sont pas tous irrespectueux.

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Mis à jour suite aux événements :

Le transporteur en question (la Société de transport de Trois-Rivières) a été proactif suite à la réception de cet article. Le conducteur fautif a été rencontré et modifiera à l’avenir sa conduite du véhicule.

Tout comme me disait la superviseure qui traite de ma plainte, je crois aussi que l’état des routes et le problème de suspension des nouveaux véhicules sont en majorité responsable de ces pénibles événements. La solution temporaire à la résolution de ce bug technique du véhicule demeure sans aucun doute dans l’adaptation de la conduite de certains chauffeurs.

Je le répète, de certains chauffeurs. La très grande majorité des chauffeurs de la STTR font un travail exceptionnel, tout comme les travailleurs administratifs d’ailleurs. C’est une équipe professionnelle et attentionnée.

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